Dans cet univers qui compte autant de styles que d’époques, le marché fluctue selon les préférences et les usages du moment. L’heure est surtout aux lignes épurées, de l’Art déco aux pièces scandinaves des années 50 à 70… Les périodes classiques, un peu boudées, demeurent tout de même stables, pour peu que les pièces soient signées et portent une histoire sortant du lot.
Votre parcours ?
J’exerce depuis une dizaine d’années et je suis expert agréé de la Compagnie d’expertise en Antiquités et Objets d’art (CEA) et de la Confédération européenne des Experts d’art (CEDEA). Mon parcours est un peu atypique, puisqu’après une formation en ébénisterie et en restauration, je me suis tourné vers le marché de l’art en étudiant à l’EAC, à Lyon puis à Paris. J’ai étendu mes connaissances en histoire de l’art et je poursuis actuellement une thèse à Bordeaux sur le style néo-Renaissance. Mes périodes de prédilection sont les 17e, 18e et 19e siècles. J’interviens comme porteur d’affaires dans le cadre des salles des ventes, auprès des assurances, et je m’occupe de successions et d’inventaires pour les particuliers.
Quels sont les goûts actuels ?
Les meubles sculptés du 16e siècle, un peu maniériste, comme ceux de l’École bourguignonne attribués notamment à Hugues Sambin, sont toujours très recherchés et atteignent de belles cotes.
Concernant le mobilier du 18e siècle, c’est très compliqué depuis une bonne dizaine d’années. Seuls les exemplaires signés par des ébénistes renommés, comme Étienne Levasseur, ont une cote assez stable. Pour le 19e siècle, les pièces de Sormani, Beurdeley et Fourdinois qui ont été présentes dans les Expositions universelles sont très courues. Ce détail fait toute la différence et augmente encore leur valeur.
En dehors de ma période de prédilection, le mobilier des années 30, 40 et 50 un peu atypique est très apprécié. Mais il faut que cela soit du pur style.
Qu’est-ce qui fait la cote ?
Outre la signature d’un ébéniste, la provenance royale, princière ou une participation à un grand événement, comme évoqué précédemment peut être décisive. Elle valorise énormément. Cet élément sera de plus en plus capital pour les ventes. Par exemple, lors d’un inventaire chez des clients, j’ai trouvé une chambre à coucher néo-égyptienne. J’ai découvert qu’elle avait été présentée à l’Exposition universelle de 1889 par l’artisan Louis Malard, qui a obtenu une médaille d’argent pour cette pièce. Un article était aussi paru sur le sujet dans Le Figaro. En 2019, elle s’est vendue 100 160 € à Drouot. Ce travail de recherche sur le pedigree du meuble est essentiel. Il est d’ailleurs dommage que, dans certaines vacations, une provenance importante ne soit pas toujours mise en valeur. Cela donne des estimations un peu basses.
Qui sont les acheteurs ?
Je travaille avec quelques collectionneurs, aux États-Unis et en Suisse, qui apprécient beaucoup les meubles laqués du 18e siècle. Les clients russes sont aussi très présents sur le marché. Ils abandonnent progressivement le style décoratif pour se consacrer à l’art russe. Il en est de même pour les acheteurs chinois, qui sont en quête de leur patrimoine historique impérial.
Des évolutions en perspective ?
On espère. Surtout lorsque l’on voit des commissaires-priseurs qui s’affairent dans ce sens. C’est le cas de Maître Osenat, qui a ouvert un département 18e siècle à Versailles, pour défendre cette période et la remettre dans le circuit. Les meubles avec des cotes connues ne bougeront pas, mais beaucoup de changements sont apparus pour les pièces classiques basiques et plus répandues. Il y a quinze ans, une commode volante marquetée du 18e siècle se vendait autour de 2 500-3 500 €, tandis qu’elle vaut aujourd’hui 500 à 800 €…
Interview réalisée par Florence PATRIE Journaliste pour la revue Antiquités Brocante -Fontainebleau (Édition 2022-Antiquités Brocante février/mars/avril)